Ayant subi personnellement l’enseignement de l’économie (pardon, des « sciences économiques et sociales » - SES) au lycée, j’ai un petit commentaire à faire sur une question qui fait l’objet de débats récurrents.
Passons sur le fait qu’on s’est cru obligé d’accoler la sociologie à l’économie, comme s’il avait fallu rééquilibrer une discipline « de droite » par une discipline « progressiste ». Passons également sur l'orientation idéologique que d'aucuns prêtent aux enseignants de cette matière.
Les défauts de cet enseignement sont multiples, mais ils sont bien résumés par cet extrait de mon manuel de terminal (qui date de 1995, mais on devrait trouver la même chose aujourd’hui) :
« Les uns, dans la lignée classique, considèrent que le chômage résulte d’une insuffisance de flexibilité des salaires sur le marché du travail, et vont même jusqu’à dénoncer toutes les sources de rigidités : présence des syndicats, législation du travail contraignante, rendant impossible un ajustement rapide des effectifs aux fluctuations de la demande de biens… Les autres, dans une perspective plus keynésienne, attribuent le sous-emploi à l’insuffisance de la demande, et revendiquent à ce titre la mise en place de politiques de relance. A la marge de ces théories qui intègrent malgré tout la possibilité d’une solution se trouvent les analyses marxistes qui, au contraire, voient dans cette montée du chômage l’exacerbation des contradictions du capitalisme ».
Ces lignes sont issues de la catégorie « l’essentiel », qui résume ce qu’il faut retenir sur la question du chômage. Et voilà sans doute ce que les élèves qui n’ont pas la chance de faire de l’économie par la suite retiennent de cette discipline et des problématiques économiques.
Et c’est tout simplement criminel. Parce qu’on met sur le même plan des « théories » comme le keynésianisme et le marxisme. Parce qu’on oppose de manière absolument caricaturale libéraux et keynésiens (en laissant entendre que les premiers sont anti-sociaux et les seconds raisonnables).
Et surtout, on laisse penser que les économistes sont foncièrement en désaccord sur l’essentiel (alors qu’ils ne diffèrent que sur des aspects secondaires). Que l’économie est composée de grosses théories inspirées par des considérations politiques (alors que tout l’intérêt de cette discipline est de mettre en lumière des mécanismes et d’en montrer la validité empirique). Et donc qu'on peut juger la validité des théories à l’aune de leur acceptabilité politique (plutôt qu’à leur puissance empirique).
Alors bien sûr, on apprend des choses, en SES (ce qu’est un PIB, la segmentation du marché du travail, quelques chiffres utiles à savoir, etc.), mais on en ressort avec une telle vision de la science économique que le bilan paraît très négatif.
Encore une fois, le problème n’est pas tant que les enseignants ou les programmes soient potentiellement orientés idéologiquement. Le problème est que l’enseignement des SES tire la science économique vers les travers de la mauvaise sociologie (confusion entre raisonnement positif et normatif / absence de théorie falsifiable avec validation empirique crédible, etc.).
On sort de terminale en pensant que l’économie, c’est un débat d’idées entre ATTAC et Pascal Salin, alors que c’est en réalité un débat scientifique entre (par exemple) Blanchard et Wyplosz.
O. Ouba-Olga disait dans une note : « La méconnaissance de l'économie tient sans doute plus au fait que nombre de personnes ne recoivent jamais de formation en économie, qu'aux programmes de l'éducation nationale ou à l'idéologie des enseignants ».
Ce raisonnement de bon sens ne doit pas masquer les ravages potentiels de l’enseignement des SES au lycée.
Je suis moi aussi passé par la case SES au lycée (de 2002 à 2005), et les choses sont restées les mêmes... Et je suis tout aussi d'accord pour dire à quel point l'enseignement y est désolant tant la caricature est poussée à l'extrême.
J'ai été bien surpris le jour où je suis arrivé en fac d'éco...
Rédigé par : Olivier Simard-Casanova | 30 novembre 2006 à 14:48
Je ne vois pas ce qu'il y à de "criminel" dans les lignes de manuel que vous citez. Il y a une présentation claire et équilibrée des débats existants au sein de la profession sur ce sujet.
Une présentation vraiment criminelle serait l'exposé de votre croyance pseudo-consensuelle, qui dirait qu'il n'y a qu'une vérité globale et des petites nuances chez les économistes "sérieux" comme Blanchard-Wyplosz (sous entendu : ah !, bien sur, il y a bien quelques archaïques marxistes illuminés , ou des has-been keynésiens).
Ce type d'enseignement à sens unique, cela s'appelle de la propagande...et malheureusement, il est parfois proposé aujourd'hui en fac dite "d'économie".
Pour juger de la validité empirique d'un mécanisme...il faut commencer tout d'abord par l'exposer, et donc proposer un soubassement théorique ! Avez vous déjà directement observé les ébats entre une masse monétaire et un taux d'intérêt ? Non, bien sur, il faut d'abord proposer une théorie explicative reliant ces deux concepts (préalablement construits...et ce n'est pas simple concernant la masse monétaire) et ensuite selon l'état actuel de notre système de mesure, procéder à la "vérification" empirique : y a t'il corrélation significative ? Si oui, positive ou négative ? Peut on en faire une causalité ? Si oui, dans quel sens ? C'est à ce dernier stade que les explications théoriques s'opposent (l'explication du taux d'intérêt, du comportement de consommation, de la fixation des salaires, etc...ne sont pas du tout les mêmes selon les théories).
Pourquoi néanmoins, subsiste t'il des divergences théoriques malgré le test empirique ? D'abord parce que les validations empiriques confirment ou infirment les théories selon les périodes, les échantillons de pays, les variables retenues et leur mode de construction ! Bref, parce que l'on retombe sur la diversité "sociologique" des populations étudiées...ce qui justifie les SES.
Ensuite, parce que la méthodologie de la falsification selon l'aveu même de K. Popper à des difficultés à s'appliquer aux sciences humaines.
Enfin, parce que la plupart des économistes du mainstream (néoclassiques), dans une logique Lakatienne, multiplient les manœuvres immunisatrices pour se soustraire à la réfutabilité.
Quand à la difficulté à séparer les considérations positives des considérations normatives, elle tient sans doute à la nature de l'objet d'étude (un être humain !) qui est aussi celui de la science politique (ou science de l'organisation de la vie en cité). Derrière les choix économiques proposés, il y a donc forcément des choix politiques sous jacents (alors que dans les sciences de la nature, étudier la composition d'une pierre n'induit pas forcément un positionnement sur l'organisation politique). Pour être encore plus clair, il est évident que la théorie keynésienne, qui postule une propension à consommer plus faible chez les plus aisés, apporte une caution scientifique à un type d'action politique et sociale, à court terme, du type Robin des Bois (prendre aux riches pour donner aux pauvres, de façon à stimuler la consommation et donc l'activité économique). A l'inverse, la théorie du revenu permanent de Friedman et/ou celle de Laffer donne une caution scientifique au programme politique et social qui consiste, à court terme, à prendre aux pauvres pour donner aux riches (de façon à stimuler l'incitation à créer des richesses et de l'activité).
La bonne attitude pédagogique ne consiste probablement pas à donner définitivement raison à l’une ou l’autre de ces interprétations, mais simplement à montrer leurs implications.
Dernier point, sur la question de la coexistence des théories diverses, je vous invite à prendre connaissance des débats qui existe actuellement sur l'épistémologie de la science physique.
Bien cordialement
Rédigé par : profdeSES | 06 décembre 2006 à 15:58
Désolé de répondre un peu tard, mais mieux vaut tard que jamais…
Si vous trouvez que c’est une présentation claire et équilibrée que de mettre sur le même plan une théorie marxiste à l’évidence fausse, un keynésianisme archaïque et une théorie néo-classique tout aussi dépassée, je suis désarmé. Plutôt que ces approximations grossières de théories datées, on ferait mieux d’apprendre aux élèves la distinction simple, mais extrêmement pertinente entre chômage conjoncturel et chômage structurel.
Oui, Blanchard et Wyplosz sont des économistes sérieux, et je ne les ai pas pris au hasard : le premier s’inscrit plutôt dans la nouvelle macroéconomie keynésienne, le deuxième est davantage un économiste de l’offre, ce qui montre qu'il y a des débats entre économistes sérieux (mais effectivement, aucun des deux n’est un has been keynésien ni un marxiste illuminé, et c’est ce qui fait leur valeur, en plus d’être précis et rigoureux).
Quant à appeler de la propagande ce qui fait l’objet de consensus chez 98% des économistes (je ne parle pas de ceux qui ont un diplôme français d’économie, mais de ceux qui publient dans des revues spécialisées avec peer review), je trouve ça un peu gros.
Je suis d’accord avec votre paragraphe sur la validité empirique d’un mécanisme, mais je crois que vous vous illusionnez sur le degré de divergence que l’on peut avoir lorsque l’on a bien regardé toutes les études empiriques. Bien sûr que la falsification en sciences humaines n’est pas aussi simple que dans d’autres sciences. Car obtenir un résultat « toutes choses égales par ailleurs » est impossible, ce qui ouvre toujours la possibilité qu’un mécanisme apparemment invalidé empiriquement est en réalité valable mais contrebalancé par d’autres mécanismes qui n’apparaissent pas nécessairement dans l’étude. Du coup, on se réfère à un faisceau d’indices formées par des études qui s’approchent le plus possible du « toutes choses égales ». Mais cela n’empêche absolument pas de parvenir à une conviction raisonnable et consensuelle sur beaucoup de points, au contraire.
Je suis enfin particulièrement en désaccord sur la question du positif et du normatif. Ce n’est pas aux enseignants de montrer les « conséquences normatives » des raisonnements scientifiques. Ils peuvent certes dire (par exemple) qu’historiquement, la théorie de Laffer (en elle-même évidente, toute la question étant empirique – savoir de quel côté de la courbe on se trouve) a influencé la politique de Reagan. Mais ils ne doivent pas aller plus loin. La raison essentielle est qu’aucun fait empirique n’implique une politique déterminée. On peut par exemple penser qu’on est sur la partie droite de la courbe de Laffer et cependant ne pas être favorable à des baisses d’impôt pour les plus aisés de manière à ne pas accroître les inégalités.
Et même si des faits empiriques avaient de lourdes implications politiques, ce ne serait pas une raison pour y attacher une importance démesurée dans un enseignement. Car la science à pour objet d’établir la vérité, même si la vérité ne nous plaît pas.
Rédigé par : Xavier | 15 décembre 2006 à 12:22
Difficile de débuter un dialogue avec de tels a-priori et de telles certitudes.
La plus élémentaire des prudences consiste à ouvrir un livre d'histoire de la pensée économique avant de condamner définitivement, du haut de ses 4 cm de clavier, des penseurs aussi légers que Marx, Keynes ou Walras !
Au lieu de se livrer à de si acrobatiques opérations, vous feriez mieux par exemple, d’étudier d’un peu plus près cette distinction « simple » chômage structurel - chômage conjecturel, si à la mode chez les si mal nommés néo-keynésiens. Vous constateriez que l’idée même de poser la distinction, est déjà un acte de foi dans les mécanismes régulateurs du marché, bref une grossière resucée de vieilles théories, pour le coup parfaitement bien datées (ce qui n’enlève en rien de leur éventuelle pertinence).
Passons sur le degré de divergence des études empiriques : nous n'avons sans doute pas, les mêmes lunettes.
Par contre, votre refus d'exposer les « conséquences (dites) normatives » est particulièrement mal étayé. L'une des missions des professeurs consiste par exemple, "à préparer à l'exercice de la pleine citoyenneté", et celle çi passe par un éclairage sur le menu politique/économique/social, et par un refus des simplifications ou caricatures.
Par exemple, la réflexion politique ne se réduit pas à savoir si on est sur la partie droite ou la partie gauche de la courbe de Laffer : c’est déjà soustraire au débat politique le cœur de la discussion. Il s’agit au contraire de questionner la construction d’une telle courbe, de montrer par exemple, qu’elle suppose une supériorité des effets de substitution sur les effets de revenus, bref de montrer qu’elle est tout sauf évidente !
Dernier point, pour dissiper un malentendu : il n’est pas question d’aimer ou pas une « vérité scientifique », mais simplement de refuser les dogmatismes, la croyance aveugle, dans un domaine, les sciences humaines, où d’une part « les vérités » ne durent qu’un temps, et où d’autre part, elles peuvent avoir des conséquences dramatiques.
Une bonne lecture : « 1984 ».
Bien cordialement
Rédigé par : profdeSES | 16 décembre 2006 à 18:44
Un mot sur le positif et le normatif, parce que vous me semblez un peu embrouillé sur cette question capitale. Vous dites que « la réflexion politique ne se réduit pas à savoir si on est sur la partie droite ou la partie gauche de la courbe de Laffer ». Or justement, cette question ne relève pas de la réflexion politique, mais de la recherche scientifique. C'est comme savoir si la Terre tourne autour du soleil : il s'agit d'une question scientifique, et non politique.
Je me répète (parce que vous ne semblez pas m’avoir entendu), mais dans cette affaire, seule la question de savoir s’il faut baisser les impôts sur les hauts revenus est politique. Cela signifie que chacun peut se prononcer pour ou contre une telle mesure, et ce quel que soit son avis sur la validité scientifique de la courbe de Laffer. Alors certes, on sera davantage tenté de baisser l’impôt sur le revenu des plus aisés si on pense que cela augmentera à la fois l’activité et les recettes fiscales, mais on peut parfaitement préférer sacrifier un peu de dynamisme économique pour limiter les inégalités. Inversement, on peut se prononcer en faveur d’une diminution de l’impôt sur les hauts revenus même si l’on estime que l’on se situe sur la partie gauche de la courbe, par exemple parce qu’on juge injuste et confiscatoire ce type d’imposition.
Le même raisonnement vaut pour le SMIC. La question de savoir s’il nuit à l’emploi est purement empirique, et non politique. En revanche, la question de son augmentation est purement politique, parce qu’on peut considérer qu’un SMIC élevé nuit à l’emploi et cependant souhaiter assurer aux travailleurs un revenu décent.
Ce qu’il ne faut pas faire – et ce que trop de monde fait –, c’est se prononcer sur une question empirique pour des raisons politiques. Je pense que beaucoup de profs d’économie de SES jugent très défavorablement l’hypothèse selon laquelle un SMIC élevé nuit à l’emploi parce qu’ils ne sont pas à l’aise politiquement avec cette idée (et non parce qu'ils tireraient ce jugement d'un examen attentif de la littérature scientifique).
Rédigé par : Xavier | 18 décembre 2006 à 18:50
En vous lisant, on comprend parfaitement les points de désaccords, et il n'est pas besoin de se répéter.
Pour vous, la science économique fournit un discours technique neutre (axiologiquement), qui met à disposition une analyse complexe de la situation et mesure l’impact des différentes propositions politiques (champ d’action où s’exerceraient les choix éthiques).
Exemple : pour la courbe de Laffer, vous signalez les arbitrages à faire selon le positionnement empirique de celle çi (à gauche de la courbe : justice individuelle contre progression de la recette fiscale, à droite de la courbe : dynamisme économique contre inégalités sociales).
Or, c’est la question même de l’existence d’une telle courbe, qui relie exclusivement taux marginal d’imposition et évolution des recettes fiscales (alors qu’il à bien d’autres paramètres), qui est de nature politique. La baisse du rendement de l’impôt s’y explique en effet, dans une sorte de tautologie, en admettant par construction, des effets désincitatifs, que l’on est supposé ensuite mesurer empiriquement ! La construction de Canto-Joines-Laffer incorpore déjà du normatif (par exemple, l’axiome qui stipule que l’on travaille plus, si le salaire réel augmente) et poser ce cadre d’analyse, est déjà un choix politique.
En retrouvant les axiomes sous jacents dans chaque proposition économique, on tombe sur les présupposés essentiels de chaque approche : c’est à ce niveau que s’effectue des choix de valeur, qui renvoient à une anthropologie particulière (une conception particulière de la nature humaine), et à la « Guerre des Dieux » de Weber (qui distingue soigneusement « jugements de valeur » et « rapports aux valeurs »).
La science économique dite positive est ainsi chargée de normatif. Cela ne l’invalide pas (au contraire !) mais invite seulement les chercheurs à être prudents dans leurs conclusions, sous peine de basculer dans le scientisme.
Par ailleurs, cela justifie la pratique pédagogique de la plupart des professeurs de SES, qui présentent les différentes théories et les confrontent aux « faits » construits et mesurés, indépendamment de leurs propres convictions et sans jamais condamner définitivement un point de vue, comme vous le faîtes.
Bien cordialement.
Rédigé par : profdeSES | 19 décembre 2006 à 11:15
Voilà un débat tout à fait intéressant. Pourquoi ne le trouve-t-on pas ailleurs ?
Il tend à montrer que le lycée joue parfois son rôle : mettre en garde les jeunes contre les "évidences" qu'on va leur asséner au nom de la technique dès qu'ils subiront un enseignement moins généraliste, sans la moindre dimension historique ou philosophique.
Rédigé par : François Delpla | 21 décembre 2006 à 05:01
profdeSES : vous ne faites que me renforcer dans mon idée que la différence entre positif et normatif vous échappe.
Vous dites que "l'axiome" selon lequel on travaille plus quand le salaire augmente est "normatif", de l'ordre du "choix politique". C'est tout simplement faux. C'est une thèse empirique, peut-être vraie, peut-être fausse, mais en tout cas qui n'a rien à voir avec l'orientation idéologique de qui que ce soit. (entre parenthèses, tout de même, si le taux d'imposition marginal était de 100%, il est évident que 99% des gens cesseraient de travailler, c'est pourquoi la théorie de Laffer est en soi évidente).
Même chose pour la question de "l'anthropologie" : déterminer dans quelle mesure l'être humain est proche de l'homo oeconomicus est une question empirique (qui relève de la psychologie, de l'ethnologie, de la socio et de l'éco). Ce n'est ni une option personnelle, ni un choix idéologique. La vérité à ce sujet est certes très difficile à connaître, mais il en existe une, ce qui invalide absolument toute position relativiste du style "chacun peut choisir sa vision anthropologique de l'être humain"
Rédigé par : Xavier | 22 décembre 2006 à 15:48
Quand on a plus d'arguments solides, on accuse souvent son contradicteur de faire des confusions, de ne pas bien comprendre les subtilités et la profondeur de sa pensée, de prendre un mot pour un autre... etc.
Si les mots ont un sens, je pense que la distinction positif/normatif auquel vous faites allusion est celle de Neville Keynes (le père, 1890, "The Scope and Method of Political Economy"http://socserv.mcmaster.ca/econ/ugcm/3ll3/keynesjn/Scope.pdf), soit la différence entre "a body of systematized knowledge concerning what is" et "a body of systematized knowledge discussing criteria of what ought to be", distinction reprise ensuite par Milton Friedman –un parfait contre exemple à lui tout seul- dans son ouvrage de méthodologie Essays in Positive Economics, 1953.
Comme vous ne semblez pas bien comprendre, ni bien me lire, je vais donc exprimer très directement et très clairement mon point de vue après les points de suspension, les deux points et la ligne d’espace, qui suivent .... :
Une telle distinction entre "ce qui est" et "ce qui doit être" est aujourd'hui intenable, car il n'y a pas de tests empiriques suffisamment univoques, ni de techniques infaillibles pour éliminer totalement les convictions personnelles toujours sous jacentes dans le travail de l'économiste.
Voila, c'est dit, et je l’espère assez clairement.
Par ailleurs, choisir de faire de l'être humain un homo oeconomicus, qui réagit aux incitations monétaires, est un choix scientifique tout à fait acceptable. Mais considérer ensuite que cela illustre correctement et totalement la nature humaine (comme dans l'exemple des taux d'imposition marginaux), et donc justifie techniquement et totalement un type d'action politique, est un choix de valeur.
Sur ce point, le constat d’incompréhension est évident, et ce n'est pas qu'une histoire de mots.
Bien cordialement
Rédigé par : profdeSES | 22 décembre 2006 à 18:06
Moi aussi j'ai fait des SES trois ans au lycée, et je ne les ai pas subies. J'ai fait un an de Sciences Eco à la fac ensuite, et c'est cette année-là que j'ai subie...
L'extrait du manuel n'engage que son (ses) auteur(s). Accuser toute une profession en partant d'un manuel, c'est comme affirmer que tous les policiers sont des salauds parce qu'on parle d'un bavure. Bref, c'est faire un raccourci rapide. En tant que prof de SES, je peux vous dire que ce n'est pas sous cette forme que l'on présente toujours les problèmes. Au passage, on peut très bien aborder les problèmes de chômage sous cet angle, tout en parlant aussi de chômage concjoncturel ou structurel. Je ne vois pas où est le problème. Enfin, pour comprendre la genèse des débats sur le chômage, il faut partir de là. Cela ne signifie pas qu'il faille rester là-dessus. Car on sait bien que les néoclassiques (et non pas les libéraux), comme les keynésiens (et aujourd'hui, il vaudrait mieux dire néo-keynésiens, car il n'y aplus vraiment de keynésiens), ont évolué. Du coup, le problème du chômage, aujourd'hui, ne se pose plus en ces termes. Ce qui m'amène à évoquer devant les élèves des politiques comme la baisse des cotisations payées par l'employeur, l'ARTT ou encore la flexicurité.
Deuxièmement, pédagogiquement, il peut être nécessaire de présenter deux idéaux-types aux élèves, pour qu'ils s'approprient les logiques inhérentes à deux visions du monde différentes, quitte à complexifier ensuite (soit directement après, soit... à la fac !). Mais là, on entre dans des considérations pédagogiques. Si les étudiants comprennent aujourd'hui les politiques contemporaines de lutte contre le chômage, c'est peut-être parce qu'ils ont compris au lycée ces idéaux-types.
Pour finir, arrêtez de dire que les profs de SES sont des marxistes, des gauchistes, des idéologues. Je dis pas que les chefs d'entreprise sont tous des méchants libéraux, car c'est bien plus complexe que ça. Evidemment, il y a des profs de SES très à gauche. Mais primo, ça ne se ressent pas nécessairement sur les cours, deuxièmement, ne faites pas une généralité. Quant à affirmer que l'on a collé la socio pour équilibrer l'éco, c'est évidemment méconnaître la genèse de la discipline au lycée, et le rapport étroit qu'elle entretient avec l'école des Annales. Mais c'est une autre histoire.
Cordialement,
M. Knol, prof de SES
Rédigé par : MKnol | 28 août 2007 à 00:09