Le gouvernement a annoncé récemment vouloir faire voter un texte prévoyant le renvoi devant les assises des agresseurs en "bande organisée" de policiers, gendarmes et pompiers. Une telle infraction sera ainsi passible de 15 ans de prison, contre 10 actuellement et sera portée devant un jury populaire.
Cette annonce, à première vue, n'a que des défauts (voir notamment ceux soulignés par Pataxagore). Et peut-être est-elle effectivement mauvaise. Mais on peut lui trouver certaines justifications.
Un des objectifs essentiels de la mesure est manifestement d’augmenter la sévérité des peines réellement prononcées, l’idée sous-jacente étant qu’un jury populaire sera plus sévère que des magistrats professionnels (ce qui n’est pas certain, selon Eolas, mais c’est un autre problème).
On attend ainsi d’une plus grande sévérité de la justice qu’elle décourage ceux qui pourraient être tentés de passer à l’acte. Or si la certitude de la sanction (c’est à dire la probabilité d’être arrêté et condamné) est ce qui importe le plus pour dissuader les criminels, la sévérité de la peine n’est pas totalement dénuée d’effets pour autant, comme le montrent notamment les études de Steven Levitt, l’auteur de Freakonomics.
Dans le cas d’agressions de policiers, cet effet dissuasif potentiel sera d’autant plus probable que ce type d'exactions - du moins les plus graves, celles qui relèveront de la cour d’assise - sont minutieusement préparées et réfléchies, et non spontanées ou impulsives. Il n’est donc pas du tout impossible que le fait de risquer quelques années de prison plutôt que quelques mois puisse décourager une partie de ceux qui pourraient être tentés par ce type de projets. Bien sûr, s’il s’agissait de risquer 15 ans ferme plutôt que 10 ans, l’effet serait certainement nul, mais il ne s’agit pas de cela.
Mais pourquoi, s’il s’agit d’augmenter la sévérité des peines réellement prononcées, ne pas donner des instructions aux parquets en ce sens ? D’abord parce que les réquisitions ne sont pas toujours suivies, ce qui réduit l’efficacité d’une telle action. Mais il existe également une raison plus fondamentale.
Car s’il y a un cas où « l’effet d’annonce » peut être positif, c’est bien celui-là. Le gouvernement est confronté à une épidémie d’agressions de policiers, liée en partie à un effet de mode, ce qui implique que des mesures efficaces à court terme pourraient être de nature à réduire significativement ces violences.
Un moyen de faire peur à ceux qui seraient tentés de passer à l'acte est de brandir publiquement la menace "cour d'assise", avec "jury populaire". Car une plus grande sévérité des sanctions n’a d’effet dissuasif que si elle est connue du plus grand monde, ce qui accentue l'opportunité d'une telle annonce médiatisée plutôt que d'instructions discrètes au parquet, dont les effets - s’ils sont avérés - ne seront pas connus immédiatement.
On peut rapprocher ce cas d'une autre affaire, celle où le ministre de l'intérieur avait menacé pendant les émeutes d'expulser les étrangers participant à celles-ci. Il savait pertinemment qu'il ne pourrait pas en expulser plus d'1%, mais il a brandi cette menace pour tenter de les dissuader, dans un contexte où tout ce qui pouvait contribuer à mettre un terme aux émeutes devait être tenté.
Les policiers sont chargés de protéger la société, y compris eux-même.
Il est manifeste qu'il y a eut une satisfaction gouvernementale quand ils ont failli à ce devoir lors des récentes agressions. Le ministre de l'Intérieur s'est notamment félicité du « sang froid » des fonctionnaires agressés qui n'ont pas fait usage de leur arme de service. Or, on peut assez facilement considérer (sur le principe, je ne dit rien des faits précis, je ne dispose d'aucun élément pertinent pour en juger) que lorsqu'un fonctionnaire par « sang froid » décide de ne pas se servir de son arme pour protéger son collègue dont la vie est en danger, il est plus proche de la non-assistance à personne en péril que d'autre chose.
Le sang-froid, c'est éviter un comportement impulsif, un comportement à court-terme. La seule manière de considérer comme louable que des fonctionnaires de police faillissent au devoir de protection, la seule manière d'estimer cela positif à long-terme, c'est la peur d'émeutes qui se produirait si ces fonctionnaires remplissaient leur devoir de protection. Rappelons tout de même que la seule raison légitime pour un fonctionnaire de police de faire usage de son arme de service est précisement la légitime défense.
Je crois que c'est une mauvaise stratégie de redouter les émeutes. C'est ce qui conduit à éviter de rendre présente la police là où elle est demandée par les citoyens (on lit dans la presse que la présence de la police est « provocante » pour les habitants du cru : la presse s'interesse t-elle aux habitants du cru qui déposent plainte ou qui téléphonent pour lui demander d'intervenir ?). Pire, lorsque les racailles ne peuvent plus s'en prendre à la police parce qu'elle se fait discrète, ils trouvent d'autres cibles.
La proposition de criminaliser les agresseurs de policiers à mon sens n'est pas de nature à rassurer les policiers, dont certains semblent persuadés que s'ils sont amenés à agir dans le cadre légal de la légitime défense, ils ne seront aucunement soutenu mais au contraire considérés négativement. Par ailleurs, je crois que trop de fonctionnaires de police ont vu sur la voie publique l'individu interpellé la veille en flagrant délit, pour un délit faisant encourir une peine supérieure à 5 ans d'emprisonnement, pour croire que ce type de changements législatifs sont de nature à renforcer le caractère préventif de la peine.
Rédigé par : Marcel Patoulatchi | 05 novembre 2006 à 11:08
Bonsoir,
Mais qui nous protége de la police?
http://www.marcfievet.com/article-4451136.html
Rédigé par : Marc Fievet | 08 novembre 2006 à 23:56